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Le Théâtre de la foire à Paris

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Thésee ou la Défaite des Amazones (1701)

Extraits et sommaire
publiés par Heulhard (1878) 160-169


« THÉSÉE ou la défaite des Amazones, divertissement mêlé d'Intermèdes comiques, avec tous ses accompagnemens.

Sera représenté aux Jeux des Victoires, chez Alexandre Bertrand à la Foire S. Laurent, en cette année 1701 (M. DCCI). Avec permission.

ACTEURS du Divertissement.

THÉSÉE, fils d'Egée, Roy d'Athenes.

PIRITHOUS, prince, amy de Thésée.

ANTIOPE, reine des Amazones.

EGLÉ, fille de Pallas.

CLÉONE, confidente d'Eglé.

Un chef des Athéniens.

Un soldat Athenien.

ACTEURS des Intermedes comiques.

MATAMORE, Capitaine fanfaron.

TREMBLOTIN, valet de Matamore.

MARINETTE, vivandière.

LA TERREUR, soldat.

VADEBOUT, soldat.

Un Musicien.

La scène est à Athènes, dans le palais de Thésée.

Au premier acte, Thésée tient captive Eglé, qui l'aime en secret et se flatte d'en être aimée. Les Pallantides, frères d'Eglé, assiégent Athènes pour reprendre leur soeur, avec le secours d'Antiope, reine des Amazones. Thésée, qui est amoureux d'Antiope, apprend avec une douleur mêlée d'un secret plaisir que l'ennemi, à la faveur de la nuit, s'est introduit jusque dans la ville.

Au second acte, Thésée a repoussé Pallantides et Amazones. Pirithoüs fait à Eglé une déclaration sans effet, et lui met le désespoir au coeur en lui apprenant les amours réciproques d'Antiope et de Thésée.

Antiope vient à Athènes pour y traiter de la paix, mais sous des conditions que le vainqueur refuse, tout en protestant de sa vive flamme.

Au troisième, Eglé découvre sa tendresse à Thésée, mais vainement. Ensuite les Grecs attaquent la citadelle des Pallantides et l'emportent d'assaut. Antiope s'avance alors pour offrir le combat à Thésée, qui se laisse vaincre sans lutte, et rend à Antiope son épée et son coeur. Leur hymen se conclut : Eglé elle-même consent à épouser Pirithoüs, dont la valeur militaire l'a séduite.

Tel est le canevas hérôique proposé aux talents articulés des Marionnettes de Bertrand, et que termine un ballet sur des airs chantés dans la coulisse, où Thésée, Antiope, les Grecs et les Amazones, soit en choeur, soit isolément, font assaut de béaux sentiments mécaniques.

Après chaque acte et après le ballet, se placent les intermèdes, suite de scènes comiques ayant un rapport indirect avec le sujet grec. Ils étaient joués en personnes naturelles, c'est-à-dire par des acteurs vivants. On connaît ce divertissement sous le titre d'Amours de Tremblotin et de Marinette, mais le livret ne le marque pas. Tamponet faisait Tremblotin à rire aux larmes.

Matamore, d'une voix retentissante, demande son casque, son gorgerin, sa cuirasse, ses taffettes, ses brassarts, ses gantelets, ses cuissarts, ses genouillères, sa lance, sa hache, son arc, ses flèches, son carquois, à Tremblotin, son valet, qui n'est point de cette école agressive :

MATAMORE. ..... Tes armes, où sont-elles ?

TREMBLOTIN, tire un verre et une bouteille. Les voilâ, Seigneur, mais du diable si j'ai le sol pour les charger, j'ai tiré mon coup dès le matin.

MATAMORE. Yvrogne! hé donc? où est le coeur, Tremblotin, où est l'honneur ? Allons, ferme, mon enfant, serois-tu le premier qui de goujat deviendroit General d'armée.

TREMBLOTIN. General d'armée! Peste! que je serois fier! et bonne table avec cela?

MATAMORE. Comment cadédis, bonne table! eh oüy, mon cher, table ouverte à tous venans.

TREMBLOTIN. A tous venans ! Cela commence à me paroître drôle : eh viste, Seigneur, que je devienne General. I1 faut d'abord faire mon équipage, et votre Seigneurie voudra bien me prêter sur mes gages de quoy fournir à cette dépense.

MATAMORE. Volontiers, mon enfant, qu'à cela ne tienne, quand il s'agit d'honneur, je fais litiere de pistoles, moy. Mais encore, que te faudra-t-il?

TREMBLOTIN. Par exemple; un bon lit, quelques ustencilles de cuisine, deux cuisiniers, deux mulets chargez de jambons, langues, saucissons, deux chevaux attelez à une charrette chargée de six pièces du meilleur vin, deux...

MATAMORE. Attends, poltron, attends, tu me ruines avec tout cet attirail de gueule. A ce que je voy, c'est donc un employ de vivandier que tu brigues dans l'armée.

TREMBLOTIN. Justement, Seigneur, et cela me paroît de fort bon sens : si je me faisois tuer aujourd'huy, n'est-il pas vray que je ne serois jamais general?

Dans le second intermède, Tremblotin, armé de toutes pièces, guerroye contre des ennemis imaginaires, et se heurte à Marinette, la vivandière, qui lui fait une peur de tous les diables.

Dès qu'il la reconnaît, il reprend ses esprits et lui vide une de ses bouteilles. Le mari, la Terreur, attiré par le bruit, rosse atrocement Tremblotin, qui va se cacher derrière un tonneau.

Dans le troisième intermède, qui correspond à l'acte grec dans lequel les Grecs ont vaincu les Amazones, Tremblotin raconte au soldat Vadebout comment une Amazone a voulu le prendre de force pour son grand air et son joli nez, et pourquoi il a refusé ses avances, « ayant reconnu qu'elle n'avait qu'un teton. » Il est féru de Marinette, malgré les coups qu'il a reçus de la Terreur. Survient la belle, qui lui apprend la mort de la Terreur, tué pendant le combat : sa main est libre, elle épousera Tremblotin.

A l'approche du ballet grec, Tremblotin s'écrie : « Qu'est-cecy ? Ma foy, c'est une feste que le Prince donne à Antiope; vous verrez qu'ils se seront mis en teste de se marier à mon exemple. Allons, vivat Tremblotin ! » On voit par là que les intermèdes avaient pour but d'amuser la galerie et de donner le temps au metteur en scène des Marionnettes, soit de changer de décoration, soit de préparer le jeu de ses comédiens de bois. Ils ne se désintéressaient pas complétement de l'action antique.

Le quatrième intermède ne manque pas de gaieté. Il n'est point ordurier, et nous le donnons en entier comme spécimen :

TREMBLOTIN. Parbleu, cela est assez drosle, et ces gens ne se demenent pas mal. (Il fait une capriole.) Euh! c'est dommage que je n'aye appris à danser! (Il chante en gesticulant.) La la la la la : Comment diable ! j'ai la voix plus belle que je ne pensois. La la la la, Marinette, il me prend envie de me donner un plaisir de prince.

MARINETTE. Comment?

TREMBLOTIN. Laisse-moy faire. (Aux danseurs.) St, st, st, Messieurs de la danse! une demie-douzaine de caprioles pour l'amour de Marinette... Hé de grâce... ils sont sourds (Les danseurs font quelques pas en s'en allant. Tremblotin les contrefait.) Voyons si les musiciens seront plus raisonnables. St, st, st, Messieurs de la musique... lls n'entendent point. (Les musiciens formant quelques tons.) J'enrage. La la la la (en les imitant). Je veux les appeler d'une maniere qui les engage à me répondre; ces gens aiment beaucoup l'harmonie, il faut les siffler. (Tremblotin siffle.)

UN MUSICIEN. A qui en veut donc ce maraut-là, avec son sifflet ?

TREMBLOTIN. A vous autres, Messieurs, si vous le trouvez bon : c'est une nouvelle maniere de lier conversation en Musique.

UN MUSICIEN. Voyez un peu ce marouffle, siffler des gens de nôtre sorte?

TREMBLOTIN. Ventrebleu, la réflexion n'est pas mauvaise. On siffle bien des serins de Canarie qui chantent mieux que vous. Tenez, croyez-moy, je me marie avec Marinette. Rancune à part, donnez-nous un plat de vôtre métier.

LE MUSICIEN. Fort bien ; après nous avoir insultés, tu prétens que nous fassions honneur à ta nôce.

TREMBLOTIN. Eh, je vous prie.

LE MUSICIEN. Néant.

TREMBLOTIN. Par grâce.

LE MUSlCIEN. Point d'affaire.

TREMBLOTIN. Vous serez contents de moy.

LE MUSICIEN. Je n'entends rien.

TREMBLOTIN, à Marinette. Par la sang bleu, je suis un grand sot de vouloir amorcer ces gens-là par des paroles, eux qui font métier d'en revendre aux autres. A boire, à boire, voilà l'encloüeure. (1) Avec un verre de vin on les menerait au bout du monde. Voyez-vous, Monsieur le musicien, il ne faut point tant lanterner : mettez-vous à la raison et je paye bouteille.

[ Note de Heulhard : (1) Expression tombée en désuétude et qui signifiait : voilà le point délicat, essentiel.]

LE MUSICIEN. Fy.

TREMBLOTIN. Deux.

LE MUSICIEN. Bagatelle..

TREMBLOTIN. Trois?

LE MUSICIEN. Fadaise...

TREMBLOTIN. Morbleu! tenez, point tant de détours : faites les choses de bonne grâce, et je vous enyvrerai.

LE MUSICIEN. C'est quelque chose que cela; eh bien, que Marinette m'en prie elle-mesme, et ensuite nous verrons.

MARINETTE. Qui, moy! Je ne voudrais pas en avoir ouvert la bouche; tenez, je me défie de votre chienne de musique comme d'un chou pourry.

LE MUSICIEN. Oh! oh! en voicy d'un autre.

TREMBLOTIN. Elle a raison; le beau regal d'entendre glapir des dessus et gronder des basses.

LE MUSICIEN. Quoy!

TREMBLOTIN. Un tintamare de voix discordantes.

LE MUSICIEN. Si?

TREMBLOTIN. Un charivary de violons de cabaret.

LE MUSICIEN. Mais...

TREMBLOTIN. Cela m'écorche les oreilles.

LE MUSICIEN. Du moins...

TREMBLOTIN. Cela est détestable, morbleu, du dernier détestable.

LE MUSICIEN. Oh! par sambleu, puisque tu le prends sur ce ton là, nous chanterons, quand ce ne seroit que pour te faire enrager. Avancez, Messieurs, avancez, faites voir à ce maroufle que vos concerts peuvent divertir de plus honnestes gens que luy.

TREMBLOTIN. Point d'injures, suffit; puisqu'il en faut passer par là, sortons d'affaires à l'amiable, et je vous prie tous de la nôce ! (A Marinette.) Ne t'avais-je pas bien dit que je les ferois venir à jubé. Il faut avoüer que la musique est diablement quinteuse. La priez-vous de chanter? elle est muette. Refusez-vous de l'entendre? elle vous étourdit. Allons, enfans, faites de votre mieux.

BALLET COMIQUE

CHOEUR.

Chantons, chantons la digne emplette
Que fait le brave Tremblotin.
Chantons le comique destin
Qui l'unit avec Marinette.

UN DESSUS.

Tremblotin a grand appétit,
Marinette est de bonne paste;
L'un à table, et l'autre au lit
Ne voit morceau dont il ne taste;
Marions-les, car il est nuit,
Marions-les car ils ont haste.

CHOEUR.

Marions-les, car il est nuit,
Marions-les, car ils ont haste.

UN DESSUS.

Tremblotin est vif et dispos,
Sa Marinette est bien tournée;
Qu'ils auront de jolis marmots!
O la belle lignée !

UNE BASSE.

Gros Bourgeois n'ont que des enfants
Maigres, fluets et blémes;
Mais chez nous autres Paysans
Ils viennent drus, forts et puissants,
Car je les fons nous-mesmes.

VAUDEVILLE

Premier couplet.

Venez-vous en ces lieux, Fillettes,
Pour faire des emplettes?
On y trouve Amants et bijoux;
Mais, de peur de méprise,
Choisissez bien, et chargez-voue
De bonne marchandise.

Deuxième couplet.

Ecoutez, en filles discrettes,
Les conteurs de fleurettes ;
Souvent sous un air simple et doux
Un matois se déguise;
Choisissez bien, etc.

Troisième couplet.

Si jamais la pente de l'âge
Vous pousse au mariage,
Fuyez surtout ces vieux hiboux
Sombres, et à barbe grise. (sic)
Choisissez bien, etc.

Quatrième couplet.

Amants, dont l'oisive tendresse
Cherche quelque maistresse
Mille s'offriront à vos coups,
Mais qu'une vous suffise.
Choisissez bien, etc.

Cinquième couplet.

Belles qu'un époux trop sévère
Chagrine et désespère,
A punir ses chagrins jaloux
L'amour vous autorise.
Choisissez bien, et chargez-vous
De bonne marchandise.

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--> See also:
Calendrier des spectacles sous Louis XIV,
Parfaict, Mémoires... (1743) tome 1, tome 2
Campardon, Les Spectacles de la foire... (1877)
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